Sorti sur Disney+ le 25 décembre, Soul est le dernier Pixar. Alors que le film d’animation semble très apprécié par la critique, il est depuis quelques jours au cœur d’une polémique inutile.
Depuis la création de soul, le studio Pixar ne cesse d’être glorifié par la critique et le public.
Symbole de prestige, le studio est à l’origine de plusieurs films d’animation parmi les plus appréciés des deux dernières décennies.
A sa sortie, Soul a fait l’objet de nombreuses éloges.
Côté US, le film était également très apprécié, notamment pour sa capacité à parler de la communauté afro-américaine avec beaucoup d’intelligence, de tendresse et de poésie.
Phylicia Rashad, qui double le personnage de la mère du protagoniste, s’était d’ailleurs confiée sur cet aspect du film : « Ce film est écrit par Kemp Powers « co-scénariste et co-réalisateur du film, NDLR », qui est un homme noir, et il a écrit ce qu’il savait. Il a écrit la vérité de ce qu’il sait. »
Si tout semblait aller bien dans le meilleur des mondes pour le nouveau Pixar, une polémique vient d’éclater à son propos.
En effet, de nombreuses voix s’insurgent contre le film.
Alors qu’aux Etats-Unis et en France, le personnage principal est doublé par des acteurs de couleur, respectivement Jamie Foxx et Omar Sy, il est doublé dans certains territoires par des acteurs blancs.
Au Portugal, où Joe Gardner a été doublé par l’acteur Jorge Mourato, une pétition signée par 17 500 personnes demande expressément un nouveau doublage du film, afin que le casting vocal soit représentatif de l’identité des personnages.
Ana Sofia Martins, actrice et signataire de la pétition, a déclaré au quotidien Publico :
« Faire appel à des acteurs issus des minorités ne peut pas être considéré comme une mode, ce doit être la règle. »
L’actrice portugaise justifie sa prise de position, et explique que « la voix a une couleur, une histoire », comme le rapporte Le Courrier International.
Un avis partagé par son compatriote Matamba Joaquim, qui voit dans ce choix de confier le doublage d’un personnage noir à un acteur blanc une nouvelle preuve que la société « continue d’invisibiliser les corps et les voix des noirs ».
S’il paraît légitime de se battre pour que les acteurs et doubleurs issus des minorités soient mieux représentés au cinéma, il nous paraît cependant important de prendre un maximum de recul, concernant cette polémique, qui nous semble desservir profondément la cause qu’elle est censée défendre.
Le 19 janvier, Maxime Hoareau, co-créateur de Re: Take, a écrit un Tweet, dans lequel il affirmait son désaccord avec la polémique, en tant que doubleur métisse :
On apprécie cette prise de position salutaire de Maxime Hoareau, parce qu’elle recadre un peu le débat.
S’il est vrai que, pour reprendre les mots d’Ana Sofia Martins, « les voix ont une histoire », ne pouvons-nous pas considérer que la personne choisie, par le studio ou par l’agence de doublage, a une voix qui dégage exactement ce qu’il faut pour le rôle ?
Lorsqu’un réalisateur ou une agence cherche un doubleur pour un personnage, il regarde bien au-delà de son genre et de son apparence physique.
|
|
Il nous paraît intéressant de remettre cette polémique en perspective, et mettre en évidence comment elle se rattache à un débat beaucoup plus large.
En 2018, l’actrice Scarlett Johansson avait été contrainte de démissionner du film Rub and Tug.
Parce qu’elle devait interpréter un personnage transgenre, alors qu’elle n’est pas transgenre elle-même.
Malgré des intentions louables, cette polémique nous avait semblé, à l’époque, profondément dangereux et contradictoire.
Dangereux, parce qu’elle était la négation même de ce qu’est un acteur.
Le métier d’acteur consiste à interpréter ce que l’on n’est pas dans la vraie vie.
Lorsque Anthony Hopkins interprétait Hannibal Lecter dans Le Silence des Agneaux de Jonathan Demme, il n’avait pas besoin d’être cannibale lui-même pour interpréter le rôle.
Même chose pour Jonathan Groff, acteur américain ayant fait son coming out en 2009, et qui a interprété un personnage hétérosexuel dans la série Mindhunter de David Fincher.
Dangereux également, parce que choisir un acteur ou un doubleur uniquement pour son appartenance ethnique ou sexuelle, c’est voir d’abord son personnage uniquement par ce prisme-là.
Ce qui correspond, ironiquement, à la définition même du racisme et du sexisme.
Quoiqu’il en soit, cette polémique ne laisse pas indifférent.
De nombreux internautes ont fait remarquer que cette affaire remet en question la légitimité de doubleurs particulièrement talentueux uniquement du fait de leur couleur de peau, tels que Richard Darbois, qui a doublé à de nombreuses reprises Donald Glover, ou encore Benoît Allemane, connu notamment pour avoir prêté sa voix aux personnages de Morgan Freeman.
L’humoriste Mathieu Madénian a d’ailleurs réagit sur les réseaux sociaux de manière très ironique à la polémique.